Conférences et colloques

Edition provisoire

Proposition d’une détention « pré-inculpation » de 42 jours au Royaume-Uni

Résolution 1634 (2008)1


1.       L’Assemblée parlementaire réaffirme sa conviction selon laquelle le terrorisme peut et doit être combattu par des voies qui respectent pleinement les droits de l’homme et le principe de la prééminence du droit, excluant toute forme d’arbitraire. L’injustice nourrit le terrorisme et sape la légitimité de la lutte contre ce dernier.

2.       L’Assemblée est préoccupée par des éléments du projet de loi contre le terrorisme au Royaume-Uni. S’il est adopté, ce projet de loi permettra de détenir une personne soupçonnée de terrorisme pendant 42 jours maximum sans chef d’inculpation, avec un contrôle juridictionnel limité.

3.       L’Assemblée a de sérieux doutes quant à la conformité de l’ensemble des dispositions du projet de loi avec la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. L’absence de garanties procédurales appropriées peut conduire à des décisions et actes arbitraires et, partant, à des violations des articles 5 (droit à la liberté et la sûreté) et 6 (droit à un procès équitable) de la Convention. L’Assemblée s’inquiète particulièrement du fait que:

    3.1.       le juge qui décide de la prolongation de la détention ne soit pas forcément en mesure d’examiner s’il existe des motifs raisonnables de soupçonner que la personne arrêtée a commis une infraction;

    3.2.       l’aide juridictionnelle et la représentation par un avocat risquent d’être indûment restreintes ou retardées;

    3.3.       les informations relatives aux motifs pour lesquels on soupçonne une personne d’avoir commis une infraction puissent, sans raison valable, ne pas être divulguées, même aux institutions compétentes pour décider de la prolongation de la détention;

    3.4.       le projet de loi puisse conduire à des arrestations sans intention d’inculper la personne concernée;

    3.5.       la prolongation de la détention sans fournir les informations requises quant aux motifs d’arrestation puisse constituer un traitement inhumain de la personne détenue.

4.       Les Lignes directrices sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme, adoptées par le Comité des Ministres en 2002 et qui confirment la jurisprudence constante de la Cour de Strasbourg, servent de modèle pour la législation. En particulier, toute personne arrêtée ou détenue pour activités terroristes doit être informée des raisons de son arrestation et doit pouvoir contester la légalité de son arrestation ou de son maintien en détention dans le cadre d’une procédure contradictoire.

5.       Les dispositions législatives relatives à la privation de liberté, et notamment à la détention de personnes soupçonnées de terrorisme, doivent être claires, précises et intelligibles. Or, le projet de loi semble exagérément complexe et difficilement compréhensible.

6.       Le rôle du Parlement dans la prolongation de la détention « pré-inculpation », tel que proposé, n’est pas approprié. Ainsi, du point de vue de la séparation des pouvoirs, la décision de maintenir une personne en détention est une fonction judiciaire sur laquelle aucun organe législatif, politique, ne devrait, c’est une question de principe, avoir un droit de regard.

7.       Compte tenu de l’importance de la lutte contre le terrorisme dans le respect des droits de l’homme et du principe de la prééminence du droit, l’Assemblée décide, avec le concours de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (« Commission de Venise ») d’étudier cette question de manière approfondie. Le projet de loi britannique devrait être examiné dans le cadre d’une étude comparative plus générale de la législation antiterroriste des Etats membres du Conseil de l’Europe, dans l’objectif notamment d’évaluer la compatibilité de cette législation avec la Convention européenne des droits de l’homme.


1 Discussion par l’Assemblée le 2 octobre 2008 (35e séance) (voir Doc. 11725, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur : M. De Vries). Texte adopté par l’Assemblée le 2 octobre 2008 (35e séance).

     
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