Edition provisoire
Indicateurs pour les médias dans une démocratie
Résolution 1636 (2008)1
1. L’Assemblée parlementaire rappelle
l’importance de la liberté des médias. La liberté d’expression
et d’information des médias est indispensable dans une
démocratie. Pour participer au processus de prise de décision,
le public doit être bien informé et avoir la possibilité
d’examiner librement différents points de vue.
2. Tous les États membres du Conseil de
l’Europe se sont engagés à respecter les normes démocratiques.
La démocratie et la primauté du droit sont des conditions
nécessaires à l’adhésion au Conseil de l’Europe. C’est
pourquoi, il appartient aux États membres de surveiller en
permanence l’état de leur démocratie. Toutefois, les normes
démocratiques font aussi partie des droits de l’Homme en
Europe, reconnus universellement et, en cela, ils ne sont pas
une simple affaire intérieure. Les États membres du Conseil de
l’Europe doivent également faire, en particulier au niveau de
l’Assemblée, une analyse de l’état de la démocratie dans tous
les États membres.
3. Le Conseil de l’Europe a fixé des normes
pour l’Europe relatives à la liberté des médias dans l’article
10 de la Convention européenne des droits de l’homme et dans
un certain nombre de Recommandations du Comité des Ministres
ainsi que dans des résolutions et recommandations de
l’Assemblée parlementaire.
4. L’Assemblée surveille aussi la liberté des
médias avant les élections nationales et fait une analyse en
se fondant sur les normes définies par le Conseil des
élections démocratiques qui comprend des représentants de la
Commission de Venise, du Congrès des pouvoirs locaux et
régionaux et de l’Assemblée parlementaire.
5. L’Assemblée se félicite des évaluations
comparatives de la situation nationale des médias préparées
notamment par Reporters sans frontières (Paris), l’Institut
international de la presse (Vienne), Article 19 (Londres) et
d'autres organisations. Ces travaux permettent au public
d’examiner largement la liberté des médias, mais ils
n’exonèrent pas les parlements et gouvernements nationaux de
leur devoir politique de surveiller la situation des médias
chez eux.
6. L’Assemblée se félicite également des
indicateurs du développement des médias établis par Article 19
et le Centre ouest-africain des médias et développement (West
African News Media & Development Centre) pour l’UNESCO,
qui permettront de définir des stratégies de développement de
la communication, dans le contexte général du développement
national.
7. L’Assemblée considère nécessaire le
respect d’un certain nombre de principes relatifs à la liberté
des médias dans une société démocratique. Une liste de ces
principes permettrait d’analyser les environnements nationaux
des médias du point de vue de leur liberté, afin de déterminer
les questions qui posent problème et les lacunes possibles.
Cela permettra aux États membres de discuter entre eux au
niveau européen d’une action possible pour résoudre ces
problèmes.
8. L’Assemblée invite les parlements
nationaux à analyser régulièrement la situation de leurs
propres médias de façon objective et comparable afin de
pouvoir déterminer les lacunes de leur législation nationale
et de son application et de prendre les mesures appropriées
pour y remédier. Ces analyses devraient s’appuyer sur la liste
de principes élémentaires suivante :
8.1. le droit à la liberté d’expression et
d’information des médias doit être garanti par la
législation nationale et ce droit doit avoir force
exécutoire. Un nombre élevé d’affaires en justice invoquant
ce droit est indicatif de problèmes d’application de la
législation nationale sur les médias et demanderait une
révision de la législation dans ce domaine ou de son
application;
8.2. les hauts représentants d'Etat ne
doivent pas jouir d’une meilleure protection contre la
critique et les attaques verbales que les personnes
ordinaires, par exemple dans le cadre d’un droit pénal
prévoyant des peines plus lourdes. Dans ce contexte, les
journalistes ne devraient pas être emprisonnés, ni les
médias fermés;
8.3. les lois pénales contre l’incitation à
la haine ou pour la protection de l’ordre public et de la
sécurité nationale doivent respecter le droit à la liberté
d’expression. Si des peines sont imposées, elles doivent
respecter les obligations de nécessité et de
proportionnalité. Si l’on peut déduire de la fréquence et de
la sévérité des peines imposées que ces lois font l’objet
d’une application politiquement motivée, la législation
relative aux médias et son application doivent être
modifiées;
8.4. l’État ne doit pas imposer
d’obligations excessives aux journalistes pour qu’ils
puissent travailler;
8.5. les partis politiques et les candidats
à des élections doivent disposer d'un même accès équitable
aux medias. Leur accès aux médias doit être facilité pendant
les campagnes électorales;
8.6. des journalistes étrangers ne
devraient pas se voir refuser des visas d’entrée ou de
travail au motif de rédaction d’articles qui pourraient être
critiques;
8.7. les médias doivent être libres de
diffuser l’information dans la langue de leur choix;
8.8. la confidentialité des sources
d’information des journalistes doit être respectée;
8.9. les droits d’exclusivité de reportage
des événements majeurs d’intérêt public ne doivent pas
limiter le droit du public à la liberté d’information;
8.10. la législation relative à la
protection de la vie privée et du secret d’Etat ne doit pas
limiter l’information de façon excessive;
8.11. les journalistes devraient disposer
de contrats de travail adéquats assortis d’une protection
sociale suffisante afin que leur impartialité et leur
indépendance ne soient pas compromises;
8.12. les journalistes ne doivent pas être
assujettis à des restrictions concernant la création
d’associations comme des syndicats en vue de négociations
collectives;
8.13. les médias devraient disposer
d'indépendance éditoriale vis-à-vis de leurs propriétaires,
par exemple en convenant avec les propriétaires de médias de
codes de conduite sur l'indépendance éditoriale, pour
veiller à ce que ceux-ci ne s'immiscent pas dans le travail
quotidien des rédactions ni ne compromettent le journalisme
impartial;
8.14. les journalistes doivent être
protégés contre des menaces ou attaques physiques du fait de
leur travail. Ils doivent recevoir la protection de la
police lorsqu’ils la demandent parce qu’ils se sentent
menacés. Les dossiers de journalistes menacés ou attaqués
doivent être traités rapidement et de manière appropriée par
les tribunaux et les procureurs;
8.15. les autorités de régulation du
secteur de la radiodiffusion doivent fonctionner de manière
impartiale et efficace, par exemple à l’occasion d’octroi de
licences. L’État, pour l’octroi d’une licence aux médias
imprimés ou à Internet, doit limiter ses exigences à un
simple numéro d’identification fiscale ou une inscription au
registre du commerce;
8.16. les médias doivent disposer d'un même
accès équitable aux canaux de distribution, qu’il s’agisse
d’infrastructures techniques (fréquences radio, câbles de
transmission, satellites, etc.) ou commerciales
(distributeurs de journaux, services de livraison postale ou
autres);
8.17. l’État ne doit pas limiter l’accès
aux médias imprimés ou électroniques étrangers (Internet y
compris);
8.18. la propriété des médias et
l’influence qu’exercent les acteurs économiques sur les
médias doivent être transparentes. La législation contre les
monopoles et les situations de position dominante des médias
sur le marché doit être appliquée. De plus, des mesures
concrètes positives devraient être prises pour promouvoir le
pluralisme dans les médias;
8.19. si les médias reçoivent des
subventions directes ou indirectes, les États doivent
traiter ces médias de manière équitable et impartiale;
8.20. les radiodiffuseurs de service public
doivent être protégés des ingérences politiques dans leur
administration et leur travail éditorial quotidiens. Les
postes de direction devraient être refusés aux personnes
ayant des affiliations politiques claires;
8.21. les radiodiffuseurs de service public
devraient élaborer des codes internes de conduite des
journalistes et d’indépendance éditoriale vis-à-vis des
influences politiques;
8.22. les médias « privés » ne
devraient pas être administrés par des entreprises d’État ou
contrôlées par l’État;
8.23. des membres du gouvernement ne
devraient pas avoir d’activités professionnelles dans les
médias pendant leur mandat;
8.24. le gouvernement, le parlement et les
tribunaux doivent être ouverts aux médias de manière égale
et équitable;
8.25. il devrait exister un système
d’autorégulation des médias, comprenant un droit de réponse
et de correction ou d’excuses volontaires des journalistes.
Les médias devraient créer leurs propres organes
d’autorégulation – commission des plaintes ou médiateurs.
Les décisions de ces organes devraient être mises en
application. Ces décisions devraient être reconnues par les
tribunaux;
8.26. les journalistes devraient élaborer
leurs propres codes de conduite et ceux-ci devraient être
appliqués. Ils devraient déclarer à leurs spectateurs ou
lecteurs leurs intérêts politiques ou financiers ainsi que
toute collaboration avec des organes d’État comme dans le
cas des journalistes intégrés dans les forces armées;
8.27. les parlements nationaux devraient
rédiger des rapports périodiques sur la liberté des médias
dans leur pays en s’appuyant sur les principes ci-dessus et
en discuter en commun au niveau européen.
9. L’Assemblée invite le Commissaire aux
droits de l’homme du Conseil de l’Europe à rédiger des
rapports d’information sur les Etats membres dans lesquels la
mise en œuvre de la liste de principes élémentaires
susmentionnée est problématique en ce qui concerne la liberté
d’expression.
10. L’Assemblée invite également les
professionnels et les entreprises ainsi que les associations
de médias à appliquer et à développer la liste ci-dessus des
principes élémentaires applicables aux médias.
1 Discussion par l’Assemblée le
3 octobre 2008 (36e séance) (voir Doc.
11683, rapport de la commission de la culture, de la
science et de l'éducation, rapporteur : M. Wodarg).
Texte adopté par l’Assemblée le 3 octobre 2008
(36e séance).
Voir également
Recommandation 1848 (2008).
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