Edition provisoire
Les défis posés par le changement climatique
Résolution 1682 (2009)1
1.
L’Assemblée parlementaire est préoccupée par les conséquences
du changement climatique mondial et la nécessité impérative
d’aboutir à un accord satisfaisant à la Conférence des Nations
Unies sur le changement climatique qui se tiendra en
décembre 2009 à Copenhague. De récentes études montrent
que le réchauffement climatique se produit plus rapidement que
prévu. Si les émissions continuent au rythme actuel,
l’accélération du changement climatique devrait être
supérieure aux prévisions.
2. Selon
les observations scientifiques du Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le
réchauffement du système climatique est sans équivoque. A
cause des émissions anthropiques, les concentrations de
CO2 dans l’atmosphère dépassent aujourd’hui de loin
la moyenne naturelle des 650 000 dernières années. Sans
un engagement sérieux à l’échelle mondiale quant à la
réduction des gaz à effet de serre (GES), les changements
climatiques risquent, à long terme, de dépasser la capacité
d’adaptation de la nature et de l’homme.
3. La
communauté scientifique considère qu’une hausse des
températures moyennes de la planète limitée à 2 °C par
rapport au niveau de l’ère préindustrielle constitue un seuil
au-delà duquel le changement climatique deviendrait beaucoup
plus dangereux et entraînerait des dégâts environnementaux
irréversibles et potentiellement catastrophiques.
4. Selon
les rapports scientifiques, les températures moyennes de la
planète ont augmenté de 0,8 °C au cours des
100 dernières années et augmentent aujourd’hui au rythme
de 0,2 °C par décennie. Etant donné le laps de temps
considérable qui s’écoule entre les émissions de GES et la
hausse de la température, les chances de maintenir cette
hausse au-dessous de 2 °C s’amenuisent rapidement. Le
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
(GIEC) estime qu’une réduction de 50 à 85 % des émissions
mondiales de GES est nécessaire d’ici à 2050.
5.
Aujourd’hui, on reconnaît clairement qu’il est vital d’agir à
l’échelle mondiale. Toutefois, il n’existe guère de consensus
politique quant à la manière de répartir les efforts pour
parvenir à la nécessaire réduction de 50 à 85 % d’ici à
2050, et encore moins quant à la fixation des objectifs
quantitatifs à moyen terme qui s’appliqueraient au secteur
économique à l’horizon 2020. Le consensus est difficile à
atteindre, même entre les pays dont les économies sont les
plus développées.
6.
L’Assemblée regrette que les engagements du Protocole de Kyoto
à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques ne portent que sur une réduction globale de
5 % des émissions de GES dans les pays développés (pays
visés à l’annexe I) sur une période de cinq ans, de
2008 à 2012. De plus, rares sont les parties au Protocole de
Kyoto qui sont à même d’atteindre leurs objectifs actuels en
matière de réduction des GES et quelques pays développés
dépasseront largement ces objectifs. Dans sa version actuelle,
le Protocole de Kyoto ne peut pas entraîner une réduction des
émissions de GES suffisante pour maintenir la stabilité du
système climatique.
7. C’est
pourquoi l’Assemblée en appelle aux parties à la
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques pour qu’elles adoptent à Copenhague (COP-15), un
accord mondial ambitieux et contraignant établissant un plan
mondial clair de réduction des émissions de carbone. La
planète dispose de moins d’une décennie pour inverser la
tendance. Il est donc nécessaire d’agir maintenant.
8.
Renégocier l’accord mondial sur les changements climatiques
pour la période post-Kyoto, après 2012, représente un défi
pour parvenir à un juste équilibre entre les intérêts des pays
industrialisés et riches – qui sont à l’origine de l’immense
majorité des émissions antérieures de GES – les intérêts des
pays en développement – qui connaissent une croissance
économique et démographique rapide et contribuent de plus en
plus aux émissions actuelles – et les intérêts des pays les
plus pauvres, ces derniers étant le plus affectés par les
changements climatiques et ayant moins de capacités et de
ressources pour s’adapter à des changements entraînant des
risques mortels.
9.
L’Assemblée est consciente que les pays pauvres et les
citoyens vulnérables souffriront le plus, alors que ce sont
eux qui ont le moins contribué au réchauffement climatique.
Leur niveau de pauvreté, déjà extrêmement élevé, augmente
encore sous les effets de la croissance mondiale, de la
récession économique internationale et du changement
climatique mondial. La conjonction de ces facteurs représente
un triple fléau pour les pays les plus pauvres.
10.
L’Assemblée est profondément préoccupée par le fait que
l’inaction condamnera 40 % des habitants les plus pauvres
de la planète (2,6 milliards de personnes) à un avenir
sombre, en compromettant davantage encore leur droit à la vie
et leur accès à l’eau, à la nourriture, à la santé, à une
activité rémunérée, à un logement décent et à la sécurité.
L’Assemblée soutient le point de vue exprimé dans le Rapport
mondial sur le développement humain 2008 du Programme des
Nations Unies pour le développement, selon lequel le
changement climatique exige que nous agissions dans les délais
les plus brefs pour lever la menace qui pèse sur deux groupes
très vulnérables n’ayant guère de moyens d’expression
politique : les pauvres du monde entier et les
générations futures.
11. Le
changement climatique soulève d’importantes questions de
justice sociale, d’équité et de droits de l’homme, du point de
vue des rapports entre les pays et entre les générations.
L’Assemblée réaffirme que la bataille contre le changement
climatique peut et doit être gagnée, sous réserve d’une
volonté politique suffisante. Le monde ne manque ni de
ressources financières ni de moyens technologiques pour
agir.
12.
L’Assemblée est convaincue que le changement climatique n’est
pas seulement porteur de menaces, mais qu’il constitue
également une occasion d’envisager une nouvelle forme de
développement économique et humain. Le
XIXe siècle était fondé sur la production de
masse ; le XXe siècle s’est caractérisé
par la consommation de masse ; quant au XXIe,
il devra être le siècle de la qualité de la vie, du respect de
la nature et du développement durable. Il importe donc
d’investir, dans une économie verte qui mettra en route de
façon durable un processus de changement et répondra de
manière efficace aux défis économiques et environnementaux qui
s'annoncent.
13. En
vue de parvenir à un accord mondial durable, l’Assemblée
estime que, lors des négociations de l’après-Kyoto, les
parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques (CCNUCC) devraient travailler à
s’accorder sur deux objectifs à long terme : le respect
de la justice sociale et le respect de l’équité en matière de
consommation d’énergie et de ressources (empreinte
écologique). Dans l’hypothèse où les limites en matière
d’émission de GES par habitant seront fixées au même niveau
pour tous les pays d’ici à 2050 (2 t d’équivalent
CO2 par habitant), les pays développés devront
prendre l’initiative de réduire à très bref délai leurs
émissions de GES de manière radicale. Ils doivent montrer
qu’il est possible d’instaurer à moindres frais une économie
produisant peu de CO2.
14. Selon
le rapport Stern de 2006 sur l’économie du changement
climatique, il est possible d’atténuer le changement
climatique à un coût acceptable en prenant rapidement les
mesures qui s’imposent pour renverser la tendance actuelle. On
pourrait réaliser l’objectif des 2 °C avec une perte de
PIB d’environ 1 % par an d’ici à 2050 en agissant sans
tarder. Compte tenu des autres bénéfices qui seront
enregistrés en matière d’économies d’énergie, de réduction de
la pollution de l’air et de santé humaine, les coûts nets
pourraient même être bien moins élevés encore. Le coût de
mesures précoces visant à atténuer le changement climatique
est faible par rapport au coût des effets de l’inaction, qui
pourrait représenter, à long terme, entre 5 et 20 % du
PIB global annuel.
15.
L’Assemblée constate avec satisfaction que l’Union européenne
continue à jouer un rôle actif (comme elle l’a déjà fait lors
de l’élaboration de l’accord de Kyoto), puisqu’elle s’est
engagée à réduire, d’ici à 2020, ses émissions de GES de
20 % par rapport à 1990, et qu’elle est prête à accepter
un objectif de réduction de 30 % en cas de conclusion, à
Copenhague, d'un accord international suffisamment ambitieux
et exhaustif prévoyant des réductions comparables de la part
d’autres pays développés et des mesures appropriées de la part
des pays en développement.
16.
L’Assemblée encourage ainsi d’autres grands pays développés à
prendre un engagement au moins équivalent à l’engagement
unilatéral de l’Union européenne.
17.
l’Assemblée salue les conclusions du Sommet mondial des
entreprises sur le changement climatique (26 mai 2009) et
demeure convaincue que l’investissement dans de nouvelles
technologies propres ne pourra que profiter économiquement à
l'industrie et au développement des entreprises.
18.
L’Assemblée est convaincue que la coopération internationale a
un rôle essentiel à jouer à de nombreux niveaux. Il faut
stimuler la coopération afin de donner aux pays en
développement la capacité, la technologie et les ressources
financières nécessaires et les aider à adopter et à mettre en
œuvre des stratégies de développement à faible intensité de
carbone dans un délai déterminé. Ces stratégies devraient
définir des moyens réalistes de limiter les émissions d’un
pays donné, par le biais de mesures d’atténuation adaptées qui
couvrent tous les secteurs responsables d’une part importante
des émissions, notamment les secteurs de l’énergie et des
transports, les principales industries grandes consommatrices
d’énergie, les secteurs du charbon et du nucléaire, ainsi que,
le cas échéant, la sylviculture et l’agriculture. Les efforts
mondiaux de réduction des émissions de GES seraient fortement
renforcés si l’on établissait un cadre pour la période
post-Kyoto, après 2012, qui comprendrait des mécanismes
efficaces de financement et de transfert de technologie.
19.
L’accord futur respectera les principes de l’accord de Kyoto
sur le changement climatique. Il devra néanmoins s’en
démarquer afin de s’appliquer de manière universelle, et pas
uniquement aux pays développés les plus riches. Il devra aussi
tenir compte de la nécessité de définir des objectifs
d’émission de carbone pour chaque pays. L’Assemblée appuie
sans réserve une approche plus équitable et différenciée qui
tienne dûment compte de la population, du développement
industriel et de la pauvreté d’un pays. L’égalité et la
justice sociale doivent être au cœur de l’accord mondial sur
le changement climatique.
20.
L'Assemblée déplore, alors que les migrations humaines
risquent de devenir la conséquence la plus lourde du
réchauffement climatique, que cet aspect n’ait pas été
pleinement pris en compte lors du processus de négociation du
futur accord sur le changement climatique. L'Assemblée juge
essentiel que l'accord qui sera convenu à Copenhague
reconnaisse les liens entre les effets des dégradations
environnementales résultant du réchauffement climatique sur
les migrations et les déplacements, et les obligations des
Etats de résoudre ces questions.
21. La
crédibilité du futur accord mondial dépendra de la
participation active des principaux émetteurs de GES du monde
en développement, tels que la Chine, l’Inde, le Brésil et le
Mexique. En vue d’atteindre l’objectif des 2 °C, les
rapports du GIEC indiquent que les pays en développement
devront limiter la hausse de leurs émissions de GES à un
niveau situé entre 15 et 30 % en-deçà du niveau de
référence d’ici à 2020. Ces pays doivent cependant disposer
d’une marge de manœuvre suffisante, qui leur permette d’opérer
la transition vers une croissance à faible intensité de
carbone à un rythme adapté à leurs capacités. L’accord mondial
doit reconnaître et prendre en compte le fait que la
situation, la vulnérabilité et le potentiel d’atténuation
varient beaucoup d’un pays en développement à l’autre.
22. La
crédibilité de cet accord dépendra aussi de l’engagement de
l’ensemble des acteurs. L’accord doit reposer sur la
participation de tous et tenir compte du rôle décisif joué par
les collectivités locales et régionales dans les politiques de
réduction des émissions de GES. Ces niveaux de gouvernance
exercent en effet des responsabilités dans plusieurs domaines
qui déterminent l’intensité des émissions de GES. Les
collectivités locales et régionales ont d’ailleurs déjà pris
de nombreuses dispositions pour préparer un avenir « sans
carbone » et adapter leurs territoires aux nouvelles
conditions climatiques. Les objectifs nationaux de réduction
des émissions ne pourront pas être atteints sans leur
participation active. L’Assemblée salue les efforts entrepris
par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de
l’Europe et par les associations et les réseaux de pouvoirs
locaux et régionaux européens et au niveau mondial.
23.
L’Assemblée est convaincue que, pour relever le défi mondial
du changement climatique, il faut instaurer une coopération
internationale d’une ampleur inédite et un pacte mondial. Elle
invite par conséquent les Etats membres du Conseil de l’Europe
et les Etats observateurs à négocier un train de mesures
comprenant les principaux éléments suivants, qui doivent faire
partie du nouvel accord mondial sur le changement
climatique :
23.1.
la réduction des émissions mondiales d’au moins 50 %
par rapport à 1990, d’ici à 2050, qui sera reflétée
dans les objectifs fixés à Copenhague ainsi que dans les
mécanismes d’échange de droits d’émission ;
23.2.
la fixation immédiate d’objectifs contraignants de 20 %
à 40 % d’ici à 2020 et un engagement à réduire les
émissions d’au moins 80 % d’ici à 2050 par les
pays développés qui doivent donner l’exemple ;
23.3.
le renforcement du rôle des autorités locales et régionales
dans les plans d’action nationaux, établissant un
partenariat solide en leur attribuant les compétences et les
ressources nécessaires ;
23.4.
la démonstration convaincante qu’une croissance à faible
intensité de carbone à moindres frais est possible dans les
pays développés, y compris en partageant les technologies et
en créant des mécanismes d’échange et de financement avec
les pays en développement ;
23.5.
la définition des mesures d’atténuation adaptées au contexte
national (NAMA) dans les pays en développement et
l’engagement à se soumettre à des objectifs contraignants au
plus tard d’ici à 2020 ;
23.6.
l’établissement de mécanismes nationaux d’échange de droits
d’émission et de réduction des émissions dans les pays
développés, conçus de manière à intégrer des mécanismes
d’échange avec d’autres pays, notamment les pays en
développement, avant et après l’adoption d’objectifs par ces
derniers ;
23.7.
la création d’un mécanisme international efficace d’échange
de droits d’émission, comprenant des mesures incitatives
suffisantes ;
23.8.
l’engagement des pays développés dans des activités de
recherche et développement, de présentation et de partage
des nouvelles technologies et de diffusion des technologies
existantes, par exemple le développement et l’extension de
technologies quasi commerciales pour l’énergie éolienne, la
production d’eau chaude grâce à l’énergie solaire, ou la
biomasse et le biogaz, la mise au point de technologies
innovantes comme les technologies solaires de nouvelle
génération et la production d’énergie à partir des déchets,
l’adoption de tarifs préférentiels pour le captage et le
stockage du carbone issu du charbon ;
23.9.
la lutte contre la déforestation et la prise en compte de la
« déforestation évitée », de la lutte contre
l’érosion, la dégradation des sols et la désertification,
ainsi que la conchyliculture et les mesures contre la
pollution des océans par les hydrocarbures dans les
mécanismes d’échange de droits d’émission ;
23.10.
la préservation des écosystèmes, qu’ils soient terrestres,
d'eau douce ou marins, et la restauration des écosystèmes
dégradés selon les objectifs généraux de la
CCNUCC ;
23.11.
la prise en compte prioritaire des besoins des communautés
les plus vulnérables et des populations les plus touchées
par les dégradations environnementales résultant du
réchauffement climatique, et l’amélioration des dispositifs
internationaux de prévention, de réduction de la
vulnérabilité, d'adaptation et de réponse humanitaire au
changement climatique ;
23.12.
l’adaptation fondée sur les écosystèmes, qui intègre la
biodiversité et les services écosystémiques dans une
stratégie d’adaptation globale, peut générer des avantages
concomitants, sociaux, économiques et culturels, et
contribuer à la préservation de la biodiversité ;
23.13.
l’octroi d’une aide extérieure pour appuyer les objectifs de
développement dans un climat plus hostile. Il s’agit là
d’une exigence d’équité fondamentale. Ces nouveaux objectifs
de développement doivent se démarquer du modèle de
développement actuel, fondé sur l’usage intensif
d’hydrocarbures, auquel tous les pays doivent
renoncer ;
23.14.
la recherche de solutions économiques reposant sur des
énergies propres.
24. En
conclusion, l’Assemblée parlementaire invite les participants
à la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique
de Copenhague d’aboutir à un accord sur une réduction
importante des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle
mondiale. L’Assemblée demande aux pays développés de donner
l’exemple et de démontrer qu’une réduction substantielle des
émissions de GES est possible et économiquement réalisable.
Cela suppose d’intégrer tous les outils de réduction des
émissions de manière à ce qu’ils se renforcent mutuellement.
Les chances d’inverser la tendance s’amenuisent rapidement, il
faut donc agir sans plus tarder. L’Assemblée rappelle qu’il
est nécessaire de parvenir à un accord à Copenhague, aussi
pour des raisons de justice sociale, car les principales
victimes des changements climatiques seront les pays en
développement et les pays les moins avancés, particulièrement
vulnérables.
1 Discussion par l’Assemblée le
29 septembre 2009 (30e séance) (voir Doc.
12002, rapport de la commission de l'environnement, de
l'agriculture et des questions territoriales,
rapporteur : M. Prescott, Doc.
12037, avis de la commission des questions économiques et
du développement, rapporteur : M. Blom, et Doc.
12040, avis de la commission des migrations, des réfugiés
et de la population, rapporteur : M. Chope). Texte adopté
par l’Assemblée le 29 septembre 2009 (30e
séance).
Voir également la
Recommandation 1883 (2009). |