Edition provisoire
Les droits de l’homme et la lutte contre le
terrorisme
Résolution 1840 (2011)1
1. Le terrorisme a un effet direct sur les
droits de l’homme, avec des conséquences sur la jouissance du
droit à la vie, à la liberté et à l’intégrité physique des
individus, en particulier des victimes du terrorisme. Il peut
déstabiliser et affaiblir des sociétés entières, compromettre
la paix et la sécurité et menacer le développement social et
économique. Il cherche à imposer à la majorité les vues d'une
minorité et ne recule devant rien dans la poursuite de ses
objectifs. Le terrorisme sape les piliers de la démocratie et
de l’Etat de droit sur lesquels repose le respect des droits
de l’homme.
2. Les Etats ont le devoir de protéger les
vies de leurs citoyens et l’intégrité de l’Etat et doivent
être capables de prendre les mesures appropriées pour lutter
contre le terrorisme. Il n’est pas nécessaire d’instaurer un
compromis entre les droits de l’homme et les actions efficaces
de la lutte contre le terrorisme, la législation des droits de
l’homme assurant déjà en elle-même une protection à cet égard.
La Convention européenne des droits de l’homme (STE
no 5, «la Convention»), tout comme d’autres
instruments internationaux en matière de droits de l’homme,
peut être appliquée de manière à permettre aux Etats d’engager
des actions raisonnables et proportionnées pour défendre la
démocratie et l’Etat de droit contre la menace terroriste.
3. Le concept d’une «guerre contre la
terreur» est fallacieux et de peu d’utilité et menace
l'ensemble du cadre des droits de l’homme internationaux. Les
terroristes sont des criminels, et non des soldats, et les
crimes terroristes ne peuvent être assimilés à des actes de
guerre, même s’ils peuvent fréquemment être qualifiés de
crimes contre l'humanité.
4. Il y a un risque que des mesures
temporaires de lutte contre le terrorisme, jugées nécessaires
au moment de leur introduction, deviennent permanentes alors
que les conditions initiales ne sont plus réunies. La
nécessité de restreindre les libertés individuelles doit faire
l’objet d’une évaluation constante tant que ces restrictions
restent en place.
5. Les Etats parties à la Convention
européenne des droits de l’homme et ses protocoles sont tenus
d’assurer, sur leur territoire, y compris en ce qui concerne
les personnes ou les régions sous leur contrôle effectif, mais
en dehors de leur territoire ordinaire, les droits et libertés
qui y sont garantis:
5.1.
En particulier, ils doivent veiller à ce qu’aucune
exception, quelle qu’elle soit, ne soit faite aux droits non
susceptibles de dérogation, comme le droit à la vie et
l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou
dégradants. Ceci inclut de respecter le principe de
non-refoulement, notamment lorsque la Cour européenne des
droits de l'homme a indiqué une mesure provisoire en vertu
de l’article 39 de son Règlement, et de traiter avec la plus
grande prudence les assurances diplomatiques.
5.2.
S’agissant des droits faisant l’objet de restrictions au
titre de la Convention, toute limitation doit être
strictement nécessaire pour protéger le public et
proportionnée au but légitime poursuivi, conformément à la
jurisprudence de la Cour. En particulier, la détention
administrative doit être limitée à quelques rares exceptions
et soumise à un contrôle adéquat. La surveillance,
l’interception et les mesures connexes doivent être à la
disposition d’un Etat; cependant elles doivent être
clairement délimitées par la loi et soumises à un contrôle
judiciaire ou un contrôle politique approprié.
5.3.
Les mesures limitant les droits de l’homme doivent être
formulées clairement et interprétées de façon stricte,
notamment lorsque la responsabilité pénale est engagée et
doivent s’accompagner d’un contrôle judiciaire et politique
adéquat.
6.
L'Assemblée parlementaire considère que le terrorisme doit
être traité en priorité par le système de justice pénale, dont
les garanties de procès équitable, intégrées et bien établies,
permettent de protéger la présomption d'innocence et le droit
à la liberté de tous. Les mesures administratives coercitives
prises à des fins préventives devraient avoir une durée
limitée, n'être appliquées qu’en dernier ressort et être
soumises à des conditions strictes, y compris des exigences
minimales quant aux preuves, au contrôle judiciaire et à un
contrôle politique approprié. Elles doivent être pleinement
conformes aux exigences du droit international des droits de
l’homme.
7. Les
Etats membres devraient examiner régulièrement leurs
législations et pratiques nationales pour veiller à ce que les
conséquences des éventuelles mesures antiterroristes soient
conformes aux normes du Conseil de l'Europe, en particulier la
Convention européenne des droits de l'homme telle qu'elle est
interprétée par la Cour européenne des droits de l'homme. Cela
devrait inclure un suivi parlementaire de la présente
résolution, conformément à la
Résolution 1822 (2011).
1 Discussion par l’Assemblée le
6 octobre 2011 (35e séance) (voir Doc.
12712, rapport de la commission des questions juridiques
et des droits de l'homme, rapporteur: Lord Tomlinson).
Texte adopté par l’Assemblée le 6 octobre 2011
(35e séance). |