Conférences et colloques

Edition provisoire

Faire progresser les droits des femmes dans le monde

Résolution 1860 (2012)1


1.       En dépit des nombreux engagements pris par les Etats au cours des dernières décennies en faveur de la promotion de l’égalité des genres et de l’avancement des droits des femmes, les progrès enregistrés en termes d’amélioration du statut des femmes à l’échelle mondiale restent en deçà des attentes. L’Assemblée parlementaire appelle à donner un nouvel élan à la protection, à la promotion et à la mise en œuvre effective des droits des femmes partout dans le monde ainsi qu’à leur évaluation régulière. L'Assemblée souligne que la séparation de la religion et de l'Etat est nécessaire à la réalisation de l'égalité et de la non-discrimination, à la fois en droit et dans les faits.

2.       Même si 187 Etats sur les 193 Etats membres des Nations Unies ont ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF), 42 ont formulé des réserves à un ou plusieurs articles, dont une proportion considérable en contradiction avec l’esprit de la Convention. En outre, seuls 103 Etats ont ratifié le Protocole facultatif qui reconnaît la compétence du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes de recevoir des plaintes de la part d’individus ou de groupes. La mise en œuvre effective de la convention elle-même demeure insatisfaisante.

3.       La pleine réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, en particulier l’Objectif 3 sur la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes et l’Objectif 5 sur l’amélioration de la santé maternelle, semble improbable d’ici 2015, contrairement à ce qui avait été convenu lors du Sommet du Millénaire des Nations Unies, de la Conférence de Beijing de 1995 et de la Conférence du Caire de 1994.

4.       L’Assemblée déplore la discrimination largement répandue et systématique à l’égard des femmes et s’inquiète d’une éventuelle aggravation des inégalités suite aux mesures prises par les Etats pour faire face à la crise économique et financière. Elle juge important d’axer les efforts sur certains domaines particuliers, dans la mesure où l’absence de progrès en la matière prive les femmes d'exercer d’autres droits.

5.       Plus des deux tiers de la population pauvre de la planète sont des femmes, d’où une discrimination secondaire en matière d’accès aux soins de santé, à l’éducation et à la propriété.

6.       De par le monde, la violence affecte les femmes de manière disproportionnée: une femme sur trois a été battue, contrainte d'avoir des rapports sexuels, ou a subi d'autres formes de sévices au cours de sa vie. Quelques 603 millions de femmes et de jeunes filles vivent dans des pays où il n’existe pas de protection juridique spécifique contre la violence domestique; plus d’une sur dix ont été victimes d’actes de violence sexuelle impliquant l’usage de la force, souvent dans le contexte de conflits armés; 80% des personnes victimes de la traite des êtres humains à un moment donné sont des femmes et des enfants.

7.       Quelque 358 000 femmes décèdent chaque année de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement et il y a chaque année environ 14 millions de jeunes filles âgées de 15 à 19 ans qui deviennent mères.

8.       Par ailleurs, une femme sur trois ne sait ni lire ni écrire, dans un monde où l’alphabétisme est un critère essentiel pour l’autonomisation. Seuls 19% des parlementaires dans le monde sont des femmes, ce qui réduit l’importance accordée aux questions d’égalité des genres dans les priorités nationales et le manque de redevabilité politique des gouvernements dans ce domaine.

9.       Face à cette situation, l’Assemblée se félicite de la création, en 2010, de l’ONU Femmes et soutient fermement ses activités, en espérant que cette agence sera en mesure d’insuffler un nouvel élan en faveur de l’avancement des droits des femmes dans le monde, entre autres en renforçant leurs poids et visibilité. L’Assemblée se félicite également de la création de comités nationaux de l’ONU Femmes.

10.       Au vu de ces considérations, l’Assemblée appelle les Etats membres du Conseil de l’Europe:

    10.1.       à redoubler d’efforts pour lutter contre la discrimination à l’égard des femmes et accorder davantage de poids politique aux questions d’égalité des genres et des droits des femmes; 1

    10.2.       à encourager les décideurs politiques à prendre en compte la dimension de genre dans toutes les politiques et législations à travers l’intégration de la dimension de genre et des méthodes de budgétisation sexospécifique;1

    10.3.       à créer un système pour estimer le coût de l’impact économique sur la société de tous les types de discrimination et violence subies par les femmes, et des carences en matière de protection des besoins liés à la santé maternelle, et à soutenir la recherche sur ce thème; à encourager la collecte de données ventilées selon l'âge et la différence entre les sexes dans ces domaines;1

    10.4.       à encourager les recherches sur l’impact différencié de la crise économique sur les femmes et les hommes et introduire sur cette base des mesures appropriées aux fins de remédier aux inégalités; 1

    10.5.       à garantir que les programmes globaux de santé reproductive reçoivent d'un financement approprié et à lever les limitations à l'accès au services de santé reproductive sur le plan interne et dans le cadre de la coopération pour le développement, dans les limites de la loi; 1

    10.6.       à garantir une participation et une représentation équilibrées des femmes dans la vie politique et dans les instances de décision politiques. Cela ne sera réalisable que si les constitutions nationales prévoient la possibilité d’une action positive, si le nombre de mandats politiques est limité et si les partis politiques font preuve d’une volonté politique;1

    10.7.       à envisager d’inclure le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le système de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), au travers de l’élaboration d’un nouveau protocole;1

    10.8.       à signer, ratifier et mettre en œuvre la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210); 1

    10.9.       à ratifier, s’ils ne l’ont déjà fait, le Protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.1

11.       L’Assemblée appelle également les Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe, ainsi que ceux dont les parlements bénéficient du statut d'observateur et de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée:

    11.1.       à tout mettre en œuvre pour limiter les réserves aux instruments internationaux des droits de l’homme, y compris à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes; 1

    11.2.       à lever les réserves existantes à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes;1

    11.3.       à intensifier l’application du mécanisme de responsabilisation dans les traités internationaux, compte tenu du fait que le manque de redevabilité renforce les inégalités fondées sur le genre et peut engendrer des violations des droits de l’homme;1

    11.4.       à garantir que l’ONU Femmes et les comités nationaux de l’ONU Femmes et le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) disposent des ressources nécessaires pour accomplir leurs objectifs d’accroître la portée de la voix, du leadership et de la participation des femmes; 1

    11.5.       à redoubler d’efforts pour réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement, dont l’Objectif 3 sur la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes et l’Objectif 5 sur l’amélioration de la santé maternelle;1

    11.6.       à soutenir les Nations Unies pour garantir la tenue, tous les dix ans à compter de 2015, d’une évaluation à l’échelle mondiale de l’avancement des droits des femmes.1

12.       L’Assemblée appelle les Etats observateurs du Conseil de l’Europe et ceux dont les parlements bénéficient du statut d’observateur et de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée:

      12.1.       à envisager d'adhérer aux instruments du Conseil de l’Europe ouverts aux Etats non membres et qui auraient un impact en termes d’amélioration du statut des femmes et de l’égalité des genres, y compris:1

        12.1.1.       la Convention européenne sur la nationalité (STE no 166);

        12.1.2.       la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197);

        12.1.3.       la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201);

        12.1.4.       la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique;

    12.2.       de devenir membres de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et soumettre leurs lois sur l’égalité des sexes à son examen.

13.       L’Assemblée invite le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe à étendre et formaliser la coopération entre le Conseil de l’Europe et l’ONU Femmes en procédant à un échange de lettres entre les deux organisations.

14.       L'Assemblée décide de poursuivre sa coopération dans ce domaine avec l’Union européenne et l’Union interparlementaire.

15.       L’Assemblée souhaite également renforcer son partenariat avec les organisations non gouvernementales et les réseaux parlementaires pour promouvoir et faire progresser les droits des femmes et les encourage à poursuivre les recherches sur la situation des droits des femmes à une échelle nationale, régionale et internationale afin de dégager les tendances sur les progrès réalisés.

16.       L’Assemblée invite les Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe à favoriser véritablement un dialogue technique et politique effectif entre les organisations de la société civile et les autorités en institutionnalisant des espaces permettant la prise de décisions en commun dans les pays où cela n’existe pas et en utilisant effectivement ceux qui existent déjà.


1 Discussion par l’Assemblée le 26 janvier 2012 (8e séance) (voir Doc. 12812, rapport de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, rapporteure: Mme Err). Texte adopté par l’Assemblée le 26 janvier 2012 (8e séance).

     
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