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Edition provisoire
Les enfants migrants sans-papiers en situation
irrégulière: une réelle cause d’inquiétude
Recommandation 1985 (2011)1
1. Un
enfant est d’abord, avant tout et uniquement, un enfant.
Ensuite seulement, un migrant. Ce principe, associé à la
nécessité de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant,
conformément à l’article 3 de la Convention des Nations Unies
relative aux droits de l’enfant, et à l’obligation de traiter
tous les enfants sur un pied d’égalité, devrait être le point
de départ de toute discussion sur les enfants migrants
sans-papiers. Le statut de l’enfant au regard de l’immigration
ne doit toujours être qu’une considération secondaire.
2. Les
enfants migrants sans-papiers sont vulnérables à trois égards:
en tant que migrants, en tant que personnes sans papiers et en
tant qu’enfants.
3.
L’Assemblée met en évidence cinq domaines particuliers dans
lesquels les droits des enfants migrants sans-papiers doivent
être clarifiés et renforcés, à savoir, l’éducation, la
protection de la santé, le logement, la rétention et
l’exploitation.
4.
L’Assemblée souligne que les enfants migrants sans papiers
devraient bénéficier du droit à la sécurité sociale, au
besoin, et du droit à jouir d'un niveau de vie suffisant,
conformément aux paragraphes 9 et 11 du Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
5. Les
enfants migrants sans-papiers sont des enfants qui, en raison
de leur situation irrégulière, sont dépourvus de papiers
d’identité. Ils peuvent être accompagnés de leurs parents ou
de leur famille, ou non accompagnés, et peuvent être nés en
Europe ou ailleurs.
6.
L’Assemblée constate qu’il existe d’importantes disparités en
Europe dans la manière dont les Etats membres du Conseil de
l’Europe traitent ces enfants, tant sur le plan de la
législation que de la pratique, et considère que tous les
Etats membres devraient disposer d’une base législative solide
pour s’occuper des droits des personnes appartenant à ce
groupe vulnérable.
7. Les
enfants sans papiers qui sont séparés de leurs parents (soit
parce que les parents ne les accompagnent pas, soit parce
qu'ils ne peuvent pas prendre soin d’eux) ont besoin d'une
protection particulière et devraient bénéficier d'un tuteur
légal. Ils devraient également recevoir un soutien continu et
fiable au-delà de l'âge de la majorité, évitant ainsi les
pressions psychologiques inutiles causées par l'incertitude
quant à leur avenir, ce qui risque sinon d’affecter leur
développement déjà dès leur jeune âge et de les priver de leur
droit au développement, lequel est protégé par l’article 6 de
la Convention des Nations Unies relatives aux droits de
l’enfant.
8.
Nonobstant la législation en vigueur dans de nombreux Etats
membres, il existe de nombreuses entraves à l’exercice de ces
droits dans la pratique. On peut notamment citer les obstacles
administratifs, les barrières linguistiques, la complexité des
systèmes administratifs, judiciaires et autres, la
discrimination, le manque d’information et la peur d’être
signalé. L'apatridie est une autre menace qui pèse sur les
enfants migrants sans-papiers, et qui aggrave encore les
obstacles auxquels ils se heurtent dans la jouissance de leurs
droits.
9.
Gardant à l’esprit la nécessité de mettre en place une base
législative solide et de mettre en œuvre les lois dans la
pratique, l’Assemblée recommande aux Etats membres:
9.1. de
garantir le droit à l’éducation:
9.1.1.
en veillant à ce que ce droit soit inscrit dans une
législation claire et mis en œuvre, entre autres, à l’aide
de documents d’orientation et de circulaires
pédagogiques;
9.1.2.
en éliminant les obstacles administratifs qui empêchent
l’inscription des enfants à l’école et nuisent à la
fréquentation scolaire, tels que l’absence d’adresse fixe,
le manque de documentation, le manque de fonds et les
obstacles linguistiques;
9.1.3.
en éliminant les obstacles administratifs qui ont un effet
dissuasif sur les écoles, et notamment la complexité des
procédures administratives et les problèmes d’obtention de
fonds pour des enfants sans-papiers;
9.1.4.
en encourageant et en facilitant l’intégration de ces
enfants à l’école, notamment par le biais d’un soutien
linguistique et d’une formation des enseignants pour leur
faciliter la prise en charge des enfants ayant des besoins
complexes;
9.1.5.
en luttant contre la discrimination, particulièrement à
l’inscription, qui peut mener à l’exclusion, à une mise à
l’écart dans le système éducatif et, dans certains cas, à
la création d’«écoles ghettos»;
9.1.6.
en soutenant les initiatives de la société civile qui
facilitent la participation des enfants migrants
sans-papiers au sein du système éducatif;
9.1.7. en permettant la participation à
des stages lorsqu’ils font partie du cycle
d’enseignement;
9.2. de
garantir le droit à des soins de santé:
9.2.1.
en clarifiant, par la législation, le droit des enfants
migrants sans-papiers à bénéficier, sans discrimination,
de soins de santé allant au-delà de l’aide médicale
d’urgence et incluant des soins de santé primaires et
secondaires, ainsi que l’assistance psychologique
adéquate;
9.2.2.
en simplifiant les exigences administratives imposées aux
bénéficiaires et aux prestataires de soins de santé, et en
veillant à ce que les personnes concernées reçoivent des
informations pertinentes sur le droit aux soins de santé,
sur l’obligation des prestataires de les fournir et sur la
manière d'y avoir accès;
9.2.3.
en apportant une assistance financière, ou en réduisant au
minimum le coût des soins, pour veiller à ce que le coût
ne devienne pas un obstacle insurmontable à l’accès aux
soins;
9.2.4.
en veillant à ce qu’il n’y ait pas d’instructions de
signalement du statut des enfants et de leurs familles, ce
qui pourrait dissuader les enfants migrants sans-papiers
ou leurs parents de demander des soins de santé;
9.2.5.
en veillant à ce que les enfants migrants sans-papiers
soient dotés d’un dossier médical individuel qui les
suivra dans leurs déplacements;
9.3. de
garantir l’accès au logement:
9.3.1.
en mettant en place une base législative pour répondre aux
besoins en logement des enfants migrants sans-papiers qui
ne se limite pas au placement en foyer d’accueil;
9.3.2.
en respectant le droit à la vie familiale protégé par la
Convention européenne des droits de l’homme (STE
no 5);
9.3.3.
en portant une attention particulière à la situation des
personnes les plus vulnérables, notamment les parents
isolés ayant des enfants en bas âge;
9.3.4.
en soutenant les autorités locales et la société civile
pour qu’elles puissent fournir une aide aux enfants qui,
autrement, se retrouveraient démunis;
9.4. de
s’abstenir de placer en rétention des enfants migrants
sans-papiers, et de protéger leur liberté en respectant les
principes suivants:
9.4.1.
en principe, un enfant ne devrait jamais être placé en
rétention. Lorsque l’on envisage la rétention, l’intérêt
supérieur de l’enfant doit toujours prévaloir;
9.4.2.
lorsque, à titre exceptionnel, la rétention s’avère
nécessaire, elle doit être prévue par la loi et assortie
de toutes les mesures de protection juridique et de
recours judiciaire nécessaires, et n’intervenir qu’en
dernier ressort, seulement après examen de toutes les
alternatives à la rétention;
9.4.3.
l’éventuel placement en rétention doit être de la plus
courte durée possible et les installations adaptées à
l’âge de l’enfant; des activités et une assistance
éducative adéquates doivent également être mises à
disposition;
9.4.4.
si la rétention a tout de même lieu, elle doit s’effectuer
dans des installations autres que celles des adultes, ou
dans des installations prévues pour recevoir les enfants
avec leurs parents ou d’autres membres de leur famille, et
l’enfant ne doit pas être séparé d’un parent, sauf
circonstances exceptionnelles;
9.4.5.
les enfants non accompagnés ne doivent toutefois jamais
être détenus;
9.4.6.
en aucun cas, un enfant ne doit être privé de liberté au
seul motif de son statut de migrant, et jamais à titre de
sanction;
9.4.7.
si un doute subsiste quant à l’âge de l’enfant, ce dernier
doit se voir accorder le bénéfice du doute.
9.5. de
lutter contre l’exploitation par le travail en poursuivant
les recherches dans ce domaine, et notamment sur les
personnes les plus exposées et les personnes ou groupes à
l’origine de l’exploitation. A cet égard, plusieurs
questions méritent un examen plus attentif: l’exploitation
sexuelle, l'utilisation des enfants pour la mendicité et la
criminalité, l’exploitation des enfants en tant qu’employés
de maison ou en tant que main d’œuvre dans des ateliers
clandestins, ainsi que d’autres formes d’exploitation par le
travail.
10.
Nonobstant les difficultés que rencontrent les Etats membres
pour faire face aux problèmes qui se posent en rapport avec
les droits des migrants en situation irrégulière dans le
contexte politique et économique actuel, l’Assemblée considère
que les problèmes de droits de l’homme des enfants migrants
sans-papiers méritent une attention particulière. Par
conséquent, elle recommande au Comité des Ministres:
10.1.
d’inviter ses comités intergouvernementaux compétents:
10.1.1.
à examiner la problématique de l’accès à l’éducation des
enfants migrants sans-papiers et à donner aux Etats
membres des orientations et des exemples de bonnes
pratiques sur les moyens de garantir le droit à
l’éducation dans la pratique;1
10.1.2.
à donner des orientations aux Etats membres sur l’offre
minimale de soins de santé à garantir aux enfants migrants
sans-papiers, compte tenu de la décision récente du Comité
européen des Droits sociaux (réclamation collective, FIDH
c. France);1
10.2.
comme l'Assemblée parlementaire le suggérait déjà dans sa
Recommandation 1969 (2011) sur les problèmes liés à
l'arrivée, au séjour et au retour d'enfants non accompagnés
en Europe, constituer un groupe de travail chargé d'élaborer
des principes directeurs sur la protection d'enfants non
accompagnés sous la forme d'une nouvelle recommandation du
Comité des Ministres, qui s'inspirerait des « Projets de vie
en faveur des mineurs non accompagnés » du Conseil de
l'Europe, ainsi que des récents travaux entrepris par la
Commission européenne sur les « Normes essentielles pour les
tuteurs d'enfants séparés en Europe »;
10.3.
d’examiner avec son comité intergouvernemental compétent la
problématique de la garantie d’un logement aux enfants
migrants sans-papiers, en vue de formuler des
recommandations aux Etats membres sur la manière de traiter
cette question de droits de l’homme politiquement sensible,
compte tenu de la décision récente du Comité européen des
Droits sociaux (réclamation collective, Defence for
Children International c. Pays-Bas);
10.4.
de s’interroger sur les mesures à prendre pour remédier au
problème croissant de la mendicité tout en examinant ses
liens avec l’exploitation et la traite, ainsi que les
questions de droits de l’homme pouvant résulter d’une
incrimination de cette activité. Bien que ce problème
concerne les enfants migrants sans-papiers, il ne se limite
pas à eux en tant que groupe.
11.
L’Assemblée se félicite de l’attention portée aux enfants
migrants sans-papiers par le Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe et la Commission européenne contre le
racisme et l’intolérance (ECRI). Elle les encourage à
poursuivre leur suivi de la situation de ces enfants, aussi
bien en général que dans chaque Etat membre.
12.
L’Assemblée invite l’Organisation mondiale de la santé à se
pencher sur le problème des soins de santé des enfants
migrants sans-papiers en vue de renforcer leur droit à ces
soins, et à donner suite à la proposition visant à procurer à
chaque enfant sans-papiers une carte ou un dossier médical qui
le suivront dans ses déplacements.
1 Discussion par l’Assemblée le
7 octobre 2011 (36e séance) (voir Doc.
12718, rapport de la commission des migrations, des
réfugiés et de la population, rapporteur: M. Agramunt; Doc.
12726, avis de la commission des questions sociales, de la
santé et de la famille, rapporteure: Mme Strik).
Texte adopté par l’Assemblée le 7 octobre 2011
(36e séance). |
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