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Résolution 2132 (2016) Version provisoire
Conséquences politiques de l'agression russe en Ukraine
1. Plus de deux
ans après l’agression russe en Ukraine, l’Assemblée parlementaire
est profondément préoccupée par ses conséquences politiques tant
pour l’Ukraine elle-même que pour la stabilité et la sécurité globales
en Europe.
2. Pour l’Ukraine, le conflit a entraîné la violation de sa souveraineté
et de son intégrité territoriale. Cela a démarré au lendemain de
l’Euromaïdan, avec l’annexion illégale de la Crimée par la Fédération
de Russie, et s’est poursuivi avec le soutien apporté par la Russie
aux séparatistes à l’est de l’Ukraine et son rôle croissant dans
le conflit en cours. Depuis mi-avril 2014, plus de 9 300 personnes
ont été tuées, plus de 21 500 personnes ont été blessées et environ
un million et demi de personnes ont quitté leur maison à cause du
conflit. Des centaines de personnes sont détenues ou portées disparues.
3. L’Assemblée réaffirme son engagement en faveur du principe
d’un règlement pacifique des conflits, ainsi que de l’indépendance,
la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, à l’intérieur
de ses frontières internationalement reconnues.
4. S’agissant de la Crimée, l’Assemblée réitère sa condamnation
de l’annexion illégale de la péninsule et de la poursuite de son
intégration dans la Fédération de Russie, en violation du droit
international et du Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1).
Elle regrette que, malgré le refus persistant de la communauté internationale
de reconnaître l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie
et l’application de différents types de sanctions à l’encontre de
la Fédération de Russie et des citoyens russes, non seulement l’annexion n’ait
pas été annulée, mais la situation des droits de l’homme dans la
péninsule continue de se détériorer. En particulier, l’Assemblée:
4.1. condamne les élections illégales
organisées par la Douma le 18 septembre dans la Crimée occupée,
et qualifie ses résultats de nuls et non avenus. L’intégration d’un
territoire souverain de l’Ukraine dans l’union des circonscriptions
fédérales de Russie et la création de quatre circonscriptions à
scrutin majoritaire uninominal constituent des violations flagrantes
du droit international et compromettent pratiquement la légitimité
du Parlement russe;
4.2. est vivement préoccupée par les actions menées contre
des organismes de médias critiques, les actes d’intimidation et
de harcèlement des opposants, les affaires de disparition et les
menaces d’enlèvement, ainsi que la répression contre les personnes
appartenant à des minorités, en particulier les Tatars de Crimée,
en application de la loi sur l’extrémisme;
4.3. considère que l’interdiction du Mejlis du Peuple des Tatars
de Crimée, qualifiée «d’organisation extrémiste», est une mesure
extrêmement répressive qui vise la communauté tatare de Crimée dans son
ensemble et demande que cette mesure soit annulée;
4.4. demande que toutes les instances du Conseil de l’Europe
intervenant dans le domaine des droits de l’homme aient accès total
et sans restriction à la péninsule de Crimée, afin qu’elles puissent
mener leurs activités de suivi sans entraves et conformément à leur
mandat;
4.5. appelle les autorités russes à annuler l’annexion de la
Crimée et à permettre à l’Ukraine de regagner le contrôle sur la
péninsule.
5. S’agissant du conflit en cours dans l’est de l’Ukraine, l’Assemblée
est profondément préoccupée par les violations constantes du cessez-le-feu,
qui transgressent les Accords de Minsk et l’ensemble de mesures
en vue de leur application, de février 2015. Une escalade de la
violence le long de la ligne de contact dans le Donbass a conduit
à un rapprochement des positions des deux parties de la ligne de
contact et s’est traduit par une hausse du nombre de victimes civiles
par des tirs d’artillerie. L’Assemblée regrette également le nombre
croissant de violations des engagements de retrait des armes et
les restrictions imposées à la liberté de mouvement de la mission
spéciale d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe (OSCE).
6. L’Assemblée réitère son soutien à une solution pacifique du
conflit et au processus de Minsk. Elle appelle à nouveau:
6.1. la Fédération de Russie à retirer
ses troupes du territoire ukrainien et à cesser de fournir du matériel
militaire aux séparatistes;
6.2. toutes les parties à mettre en œuvre de manière responsable
et faisant preuve de bonne foi leurs engagements conformément aux
Accords de Minsk et à l’ensemble des mesures en vue de leur application,
en commençant par le respect effectif du cessez-le-feu.
7. L’Assemblée regrette que, dans un contexte sécuritaire dégradé
et à défaut d’un cessez-le-feu durable, il n’y ait pas eu de progrès
dans la mise en œuvre des aspects politiques de l’ensemble des mesures
en vue de l’application des Accords de Minsk.
8. En ce qui concerne en particulier la question des élections
locales à organiser dans le Donbass, l’Assemblée souligne que, pour
qu’elles soient conformes à la législation ukrainienne et aux normes internationales
relatives à des élections libres et équitables, il est indispensable
d’assurer: un environnement sécuritaire amélioré, le plein accès
de la mission spéciale d’observation de l’OSCE à l’ensemble du territoire du
Donbass, la fermeture de la frontière et son contrôle intégral par
la mission spéciale d’observation, suite au retrait total des troupes
russes, des mercenaires et des armes, et un stockage sécurisé de
ces dernières sous contrôle international; la possibilité pour tous
les partis ukrainiens de participer au scrutin et pour les médias ukrainiens
de diffuser leurs émissions dans le Donbass pendant la campagne;
le respect du droit des personnes déplacées du Donbass à l‘intérieur
de l’Ukraine ou de celles qui se sont réfugiées dans la Fédération
de Russie de prendre part au vote.
9. L’Assemblée se félicite de la libération d’un de ses membres,
Mme Nadiia Savchenko, après les appels répétés
de la communauté internationale, y compris plus récemment dans la Résolution 2112 (2016) de l’Assemblée sur les préoccupations humanitaires concernant
les personnes capturées pendant la guerre en Ukraine. Elle se félicite
également de la libération de M. Yuriy Soloshenko et de M. Gennady
Afanasyev ainsi que d’autres prisonniers. Au-delà de gestes humanitaires
importants, ces libérations offrent l’occasion d’instaurer la confiance
entre les parties au conflit et de donner au processus de Minsk
un élan positif. L’Assemblée réitère son appel en faveur de la libération
de toutes les personnes capturées conformément à la Résolution 2112 (2016).
10. L'Assemblée se joint au Commissaire aux droits de l'homme
du Conseil de l'Europe dans son appel pour garantir l’établissement
des responsabilités dans les cas de graves violations des droits
de l’homme commises pendant le conflit comme élément clé du processus
de réconciliation. Les auteurs de crimes graves tels que des meurtres,
des disparations forcées et des actes de torture des deux côtés
de la ligne de démarcation doivent être amenés à rendre compte de
leurs actes.
11. Seule une Ukraine démocratique dotée d’institutions stables,
efficaces et responsables, d’un environnement politique pluraliste
et de médias libres, respectant enfin les promesses de l’Euromaïdan
de réformer un système corrompu et oligarchique, peut être forte
et prospère, capable de mettre fin à l’agression venant de l’extérieur
et de rétablir la paix. En conséquence, l’Assemblée:
11.1. vivement préoccupée par les
pressions régulièrement exercées sur l’opposition politique et les médias
indépendants, appelle les autorités ukrainiennes à se conformer
aux normes démocratiques internationales, notamment du point de
vue du pluralisme des médias et de l’existence d’une opposition politique
indépendante;
11.2. appelle les autorités ukrainiennes à instaurer un dialogue
national et à améliorer les relations entre les différents groupes
ethniques, linguistiques et religieux de la société ukrainienne;
11.3. tout en se félicitant de l'adoption d'amendements constitutionnels
sur le système judiciaire, appelle instamment les autorités ukrainiennes
à mettre en œuvre efficacement les nouvelles mesures, à lutter résolument
contre toutes les formes de corruption, y compris au plus haut niveau
politique, à assurer le bon fonctionnement des institutions anticorruption
nouvellement créées et à poursuivre les réformes, y compris la réforme
constitutionnelle sur la décentralisation;
11.4. appelle les autorités ukrainiennes à donner une suite
favorable à l’appel de la Commission européenne pour la démocratie
par le droit (Commission de Venise) à mettre en œuvre ses recommandations
sur la Loi de Lustration et pour procéder à de nouvelles réformes
dans le respect des normes européennes;
11.5. appelle les autorités ukrainiennes à s’assurer que les
enquêtes et les procédures relatives aux violents incidents lors
des manifestations de l’Euromaïdan ainsi qu’aux événements tragiques
survenus à Odessa en mai 2014, progressent plus rapidement et dans
l’impartialité afin de rendre justice et renforcer la confiance
du public dans le système de procédure pénale, conformément aussi
aux recommandations du Groupe consultatif international créé par
le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe;
11.6. se félicite du soutien accru offert par le Conseil de
l’Europe à l’Ukraine, notamment dans le cadre du Plan d’action du
Conseil de l’Europe pour l’Ukraine 2015-2017, et appelle les Etats
membres du Conseil de l’Europe à envisager d’avantage de financement,
y compris par le biais de contributions volontaires.
12. Au-delà de l’Ukraine, l’Assemblée regrette que le conflit
et les actions de la Fédération de Russie à cet égard aient sapé
la stabilité et la sécurité globales sur notre continent ainsi que
les avancées, réalisées depuis des décennies, vers un partenariat
stratégique avec la Fédération de Russie. L'Union européenne devrait également
tirer ses propres leçons et réfléchir à des stratégies pour l'avenir
de la région qui permettront de désamorcer les tensions actuelles
et contribueront à rétablir la confiance dans son voisinage.
13. Quant aux répercussions économiques du conflit, l’Assemblée
constate qu’elles sont considérables non seulement pour l’Ukraine
elle-même et la Fédération de Russie, mais également pour l’Union
européenne et différents pays européens frappés à des degrés divers
mais non négligeables par les sanctions appliquées contre la Fédération
de Russie et par les contre-sanctions russes. Le débat relatif aux
sanctions divise l’Union européenne et menace sa cohésion. Il faut
pourtant maintenir la pression internationale, y compris les sanctions,
jusqu’à ce que l’agression de la Russie ait cessé et que la souveraineté
et l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières
internationalement reconnues soient pleinement rétablies.
14. L’Assemblée appelle instamment les Etats membres du Conseil
de l’Europe à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour soutenir
le processus de paix en Ukraine afin d’éviter une nouvelle escalade
de la violence, avec des conséquences dangereuses pour les civils
vivant dans la zone touchée par le conflit, ou la transformation
en un «conflit gelé» ou «semi-gelé», ce qui prolongerait l’instabilité
et l’insécurité en Ukraine et dans toute l’Europe.
15. Pour sa part, l’Assemblée pourrait servir de plateforme unique
de dialogue et de coopération interparlementaires et contribuer
positivement à la résolution pacifique du conflit, notamment en
favorisant l’établissement de la confiance. Elle regrette que, jusqu’à
présent, elle n’ait pas pu jouer son rôle naturel de diplomatie
parlementaire, principalement du fait que depuis deux années consécutives
les parlementaires russes n’ont pas participé à ses travaux et ont
cessé leur coopération avec la procédure de suivi de l’Assemblée.
Indépendamment des divergences sur l’origine de la crise, l’Assemblée
réitère son appel aux autorités russes à se conformer aux demandes
qu’elle a formulées dans sa Résolution
1990 (2014) sur le réexamen, pour des raisons substantielles, des
pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe, sa Résolution 2034 (2015) sur la contestation, pour des raisons substantielles,
des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation de la Fédération
de Russie et sa Résolution
2063 (2015) sur l’examen de l'annulation des pouvoirs déjà ratifiés
de la délégation de la Fédération de Russie, et décide que seuls
des progrès notables et mesurables dans leur mise en œuvre pourra
servir de base au rétablissement d’un véritable dialogue avec elle dans
le respect mutuel.
16. L’Assemblée décide de continuer à suivre de près les conséquences
politiques et humanitaires du conflit en Ukraine ainsi que les défis
relatifs aux droits de l’homme et à l’Etat de droit qu’il soulève
dans les territoires sous ou hors du contrôle du Gouvernement ukrainien,
et d’examiner ces questions lors de sa partie de session d’octobre
2017 si aucune urgence n’exige de le faire avant.