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Résolution 2136 (2016) Version provisoire
Harmoniser la protection des mineurs non accompagnés en Europe
1. En 2015,
près de 90 000 mineurs non accompagnés ont demandé l’asile dans
des pays de l’Union européenne et rien n’indique que la tendance
va s’inverser en 2016, puisque le nombre total de mineurs ayant déposé
une demande d’asile au seul mois de juin 2016 s’élevait à 30 000.
La crise des migrants et des réfugiés qui frappe actuellement l’Europe
a exacerbé la difficulté de savoir comment traiter et assister ces
enfants en déplacement, et a engendré de nouveaux problèmes lorsque
l’on a pris conscience que de nombreux enfants sont portés disparus
à différentes étapes de leur voyage, en particulier directement
après leur arrivée dans des centres d’accueil.
2. De nouveaux défis en matière de protection de l’enfance sont
apparus pendant les récentes phases de la crise, surtout dans le
contexte de la fermeture totale ou partielle des routes en Europe,
suivie des premiers effets de l’Accord conclu entre l’Union européenne
et la Turquie du 18 mars 2016. Le grand public au niveau international
a été sensibilisé à un problème majeur lorsqu’Europol, l’agence
de police de l’Union européenne, a annoncé en janvier 2016 que 10 000
mineurs migrants étaient portés disparus en Europe. Tout porte à
croire que les chiffres réels étaient bien plus élevés; en mai cette
année l’Allemagne comptait à elle seule environ 9 000 enfants portés
disparus, selon la police criminelle fédérale allemande.
3. L’Assemblée parlementaire a exprimé sa préoccupation concernant
la situation des mineurs migrants non accompagnés en Europe à plusieurs
occasions et a soumis des propositions de solutions, en particulier dans
sa Recommandation 1969
(2011) et sa Résolution
1810 (2011) sur les problèmes liés à l’arrivée, au séjour et au
retour d’enfants non accompagnés en Europe, qui propose une série
de 15 principes communs pour veiller sur les enfants migrants non
accompagnés, en insistant sur la nécessité de traiter les enfants
non accompagnés avant tout comme des enfants et non comme des migrants.
L'Assemblée regrette que, dans la majorité des Etats membres, il
n’y ait pas de définition légale des «enfants disparus» comme catégorie distincte
dans la législation nationale. L'Assemblée regrette aussi que l’absence
de définition juridiquement contraignante des enfants disparus ait
des effets négatifs majeurs sur les enquêtes, les temps d’attente
et les niveaux d’alerte. L'Assemblée regrette vivement que l’Union
européenne ait interrompu le financement de la ligne téléphonique
d’urgence (116 000) pour les enfants disparus, mise en place dans
presque tous les Etats membres de l’Union, même si 54% du personnel
étaient des bénévoles. Malheureusement, le nombre d’appels a aussi
radicalement diminué.
4. Des questions liées, telles que la détermination de l’âge
des enfants et la fin du placement en rétention d’enfants migrants
ont été examinées dans la Résolution
1996 (2014) «Enfants migrants: quels droits à 18 ans?» et dans la Recommandation 2056 (2014) sur les alternatives au placement en rétention d’enfants migrants.
Ces textes ont servi de base au lancement de la Campagne parlementaire
en cours visant à mettre fin à la rétention d’enfants migrants.
5. L’Assemblée rappelle que le principe général de respect des
droits des enfants migrants suppose avant tout de leur offrir une
protection spéciale en tant qu’enfants, y compris une assistance
sociale et des soins de santé garantissant leur intégrité et leur
développement physiques et psychologiques, des informations suffisantes
et adaptées à leur âge, une éducation et une plus grande autonomie.
Il ressort clairement de l’examen de la situation dans les Etats
membres que ces conditions sont loin d’être systématiquement offertes aux
mineurs migrants non accompagnés.
6. L’Assemblée rappelle la Convention des Nations Unies relative
aux droits de l’enfant, en particulier l’article 3 sur l’intérêt
supérieur de l’enfant, les articles 19 et 20 sur une protection
et une aide spéciales de l’Etat pour les enfants non accompagnés
et les enfants séparés, l’article 22 sur les droits des enfants
cherchant à obtenir le statut de réfugié et l’Observation générale
no 6 (2005) sur le traitement des enfants non accompagnés et des
enfants séparés en dehors de leur pays d’origine, la Déclaration
de New York pour les réfugiés et les migrants adoptée par l’Assemblée
Générale des Nations Unies le 19 septembre 2016, ainsi que la Convention
européenne sur l’exercice des droits des enfants (STE no 160),
la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite
des êtres humains (STCE no 197) et la
Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants
contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201).
7. L’Assemblée réitère les principes exposés dans les Principes
de la Commission européenne sur les systèmes intégrés de protection
de l’enfance, le Plan en sept points du Fonds des Nations unies
pour l'enfance (Unicef) pour les enfants réfugiés et migrants, les
Principes directeurs du Haut-Commissariat des Nations Unies pour
les réfugiés (HCR) relatifs à la détermination de l’intérêt supérieur
de l’enfant et d’autres lignes directrices élaborées pour servir
de modèles pour le traitement des mineurs migrants non accompagnés,
8. L’Assemblée exhorte les Etats membres à travailler aux niveaux
national et régional et au moyen de la coopération internationale
pour améliorer la protection des mineurs migrants non accompagnés
et éviter qu’ils ne disparaissent, et notamment:
8.1. dans le contexte de la coopération
internationale, y compris avec les pays d’origine:
8.1.1. à assurer la coopération des
polices nationales afin de constituer des bases de données qui soient
fiables, complètes et régulièrement mises à jour sur les enfants
non accompagnés portés disparus, à associer Europol et Frontex aux
enquêtes contre les groupes criminels qui pourraient nuire aux enfants
et les exploiter, et à participer pleinement aux efforts pour retrouver les
enfants manquants et soutenir le développement du Système d’information
Schengen (SIS);
8.1.2. à assurer la protection des enfants contre la traite et
les activités criminelles auxquelles ils sont particulièrement vulnérables
et à renforcer la coopération avec les pays d’origine et de transit
dans ce domaine;
8.1.3. à harmoniser les réglementations en matière de désignation
de tuteurs et de représentants légaux et à établir une définition
commune de leur mission et de leur rôle;
8.1.4. à maintenir le droit au regroupement familial dans le
cas de mineurs migrants séparés, conformément au droit de tout enfant
de vivre avec ses parents au titre de l’article 22 de la Convention
relative aux droits de l’enfant;
8.1.5. à rappeler qu’une approche de la protection des enfants
fondée sur les droits implique aussi de réagir aux violations;
8.2. dans le contexte des politiques et les actions nationales
et régionales:
8.2.1. à faire en sorte
que tous les enfants migrants non accompagnés soient dûment enregistrés
en arrivant en Europe, et que ces données soient échangées entre
les différentes autorités impliquées dans l’accueil et l’accompagnement de
ces derniers;
8.2.2. à confier des responsabilités à des institutions spécialement
chargées de mettre en œuvre les programmes de protection des mineurs
migrants non accompagnés et de superviser et coordonner leurs procédures
d’asile impliquant diverses autorités et services publics ainsi
que des organisations de la société civile;
8.2.3. à faire en sorte que les mineurs migrants non accompagnés
soient traités avant toute chose comme des enfants dès leur arrivée
en Europe, et qu’ils bénéficient d’un logement adapté à leurs besoins,
d’une protection contre toute forme de violence et d’abus (dont
les abus et l’exploitation sexuels ainsi que la traite des êtres
humains), de l’absence de rétention dans tous les cas, comme le
promeut la Campagne parlementaire pour mettre fin à la rétention
d’enfants migrants, d’un accès à des soins de santé et de conditions
sanitaires qui leur permettent de se remettre rapidement des épreuves
physiques et psychologiques qu’ils ont endurées;
8.2.4. à fournir aux enfants, dès leur arrivée, des informations
adaptées et des services d’interprètes et de soutien psychologique
formés pour éviter la confusion, de nouveaux traumatismes et les
malentendus dès le départ, qui, lorsqu’ils viennent s’ajouter aux
conditions d’accueil déplorables, sont un facteur qui pousse les
enfants à prendre la décision de fuir les centres d’accueil;
8.2.5. lorsque l’âge de l’enfant ne peut pas être établi par
des documents d’identité et seulement en cas de doute quant au statut
de mineur de la personne, à procéder à une évaluation de l’âge précoce
et non intrusive, dans le plein respect de la dignité et de l’intégrité des
enfants. Il convient que la procédure soit pluridisciplinaire et
mise en œuvre par des professionnels indépendants, familiarisés
aux caractéristiques ethniques, culturelles et de développement.
Des principes similaires devraient s’appliquer en cas de litige
portant sur le pays d’origine;
8.2.6. à améliorer ou à introduire des procédures accélérées
de demande d’asile pour les mineurs non accompagnés, y compris la
désignation en temps utile de tuteurs et de représentants légaux
suffisamment formés qui peuvent aider les enfants et qui se voient
confier un petit nombre d’enfants migrants;
8.2.7. à veiller à ce que les enfants aient accès à l’éducation
dès leur enregistrement et pendant toutes les périodes d’attente,
puis à faciliter leur entrée dans le système d’enseignement ordinaire
une fois la procédure de demande d’asile ou autre procédure de régularisation
est enclenchée;
8.2.8. à allouer des fonds suffisants aux structures mises en
place pour veiller sur les mineurs migrants non accompagnés et les
protéger, en particulier les associations et autres organismes de
la société civile, mais aussi à faire en sorte que la législation
et les réglementations nationales soient adaptées pour mettre en
place des procédures administratives spécifiques aux enfants migrants
non accompagnés;
8.2.9. afin de prévenir la disparition d'enfants migrants non
accompagnés, à veiller à ce que les responsabilités soient transférées
sans entraves au cours des différentes étapes de la procédure, depuis
l’accueil jusqu’à l’intégration des mineurs migrants, afin de limiter
le risque de fuite de mineurs non accompagnés des centres d’accueil en
se «glissant entre les mailles» des réseaux de protection;
8.2.10. à définir et à appliquer des solutions durables pour les
enfants non accompagnés, reposant sur une évaluation approfondie
de l’intérêt supérieur de l’enfant, sur ses droits à la sécurité,
à la protection et au développement et sur la définition d’un projet
de vie avec chaque enfant, ainsi qu’à établir des procédures de
contrôle du respect de l’intérêt supérieur de l’enfant dans les
cas de retour des enfants;
8.2.11. dans tous les cas, à assurer que les mineurs migrants
non accompagnés ou isolés ne se voient jamais refuser l’entrée dans
un pays, en conformité avec les obligations de non-refoulement qui
découlent de la législation internationale relative aux droits de
l’homme, au droit humanitaire et au droit des réfugiés.
9. L’Assemblée invite également l’Union européenne à continuer
de tenir compte du besoin de protection spéciale des mineurs migrants
non accompagnés lors de la révision du règlement Dublin III, notamment
en introduisant une disposition sur la possibilité pour les mineurs
non accompagnés de déposer une demande d’asile dans le pays où ils
se trouvent, afin d’éviter d’ajouter des transferts inutiles à leur
voyage déjà traumatisant.