Demandeur(s) : M. X... et autres
Défendeur(s) : le procureur général près la cour d’appel
de Rennes et autres
Sur le premier moyen, pris en ses première, quatrième, sixième et
septième branches :
Attendu que M. X... et Mme Y... font grief à l’arrêt de refuser
d’ordonner la transcription de l’acte de naissance de l’enfant sur les registres
de l’état civil français alors, selon le moyen :
1°/ que tout acte de l’état civil des français et des étrangers fait en
pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si
d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés
de l’acte lui même établissent, le cas échéant, après toute vérification utile,
que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne
correspondent pas à la réalité ; qu’en l’espèce, l’acte de naissance établi
en Inde d’E. X..., née à Mumbai, énonce que M. X... est le père de
l’enfant ; qu’en cause d’appel, n’étaient contestées ni la régularité
formelle de cet acte, ni la conformité à la réalité de ses énonciations ;
que la circonstance selon laquelle M. X... aurait eu recours à « un
contrat de mère porteuse prohibé par la loi française » ou encore à
l’« achat d’enfant » n’était pas de nature à enlever toute force
probante à l’acte de naissance au regard de la filiation paternelle de ce
dernier à l’égard de l’enfant qui était incontestable et incontestée ;
qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel, qui n’était pas saisie de
la validité d’un contrat de gestation pour autrui, mais de la transcription d’un
acte de l’état civil, a violé les articles 47 et 332 du code civil, ensemble
l’article 423 du code de procédure civile ;
2°/ qu’aucun des éléments retenus par la cour d’appel, ni le court séjour, à le supposer sans objet particulier, de M. X... en Inde à l’époque de la conception, ni l’absence de connaissance respective des parents de leurs biographies, ni le fait, si son abandon était envisagé, de confier l’enfant née de cette relation au père de l’enfant plutôt qu’à un service d’adoption, ni l’absence de projet commun tant de vie de couple que de suivi de l’enfant, ni le versement par le père à la mère d’origine extrêmement modeste de la somme de 1 500 euros, n’étaient de nature à caractériser l’existence d’une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui ; qu’en retenant le contraire la cour d’appel a, en toute hypothèse, violé les articles 47 et 16-7 et 16-9 du code civil, ensemble l’article 423 du code de procédure civile ;
3°/ que chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que là où l’existence d’un lien familial avec un enfant se trouve établie, l’Etat doit agir de manière à permettre à ce lien de se développer et accorder une protection juridique rendant possible l’intégration de l’enfant dans sa famille ; que le refus de transcrire un acte de naissance étranger sur les registres de l’état civil rend la filiation qu’il constate inopposable en France ; qu’en l’espèce, le refus de transcription de l’acte de naissance de l’enfant, née d’un père français, sur les registres français de l’état civil, qui rend la filiation paternelle de cette enfant inopposable en France, porte atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant et au droit au respect de la vie privée et familiale de celle ci et de M. X... ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
4°/ que c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit primer ; que
le principe de primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant impose au juge de
rechercher concrètement si l’intérêt de l’enfant guide la mesure qu’il
ordonne ; qu’en l’espèce, en refusant de tenir compte de l’intérêt de
l’enfant et de rechercher, comme elle le devait, si le refus de transcription de
l’acte de naissance de l’enfant sur les registres français de l’état civil, qui
rend la filiation paternelle de l’enfant inopposable en France, ne conduisait
pas à une méconnaissance de l’intérêt supérieur de ce dernier, la cour d’appel a
violé, par refus d’application, l’article 3-1 de la de la Convention
internationale des droits de l’enfant, ensemble l’article 8 de la Convention de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales ;
Mais attendu qu’en l’état du droit positif, est justifié le refus de transcription d’un acte de naissance fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays lorsque la naissance est l’aboutissement, en fraude à la loi française, d’un processus d’ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui, convention qui, fût elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du code civil ;
Qu’en l’espèce, la cour d’appel, qui a caractérisé l’existence d’un tel processus frauduleux, comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui conclue entre M. X... et Mme Y..., en a déduit à bon droit que l’acte de naissance de l’enfant établi par les autorités indiennes ne pouvait être transcrit sur les registres de l’état civil français ;
Qu’en présence de cette fraude, ni l’intérêt supérieur de l’enfant que garantit l’article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l’enfant, ni le respect de la vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne sauraient être utilement invoqués ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses diverses
branches :
Attendu que M. X... et Mme Y... font grief à l’arrêt d’annuler la reconnaissance de paternité de M. X... alors, selon le moyen :
1°/ que la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que
l’auteur de la reconnaissance n’est pas le père ; que si toute filiation
peut être effectivement contestée par le ministère public pour fraude à la loi,
il incombe alors à celui ci de rapporter la preuve de l’inexactitude de la
filiation ; qu’en l’espèce, il était acquis aux débats et non contesté, pas
même par le ministère public, que M. X... était le père d’E. X... ;
qu’en annulant néanmoins la reconnaissance de paternité souscrite le 29 juillet
2009 par M. X..., la cour d’appel a violé les articles 332, alinéa 2, et
336 du code civil ;
2°/ que dans leurs conclusions de première instance du 17 mars 2010 au vu desquelles il a été statué en cause d’appel, M. X... et Mme Y... faisaient expressément valoir que nul ne prétendait – pas même le ministère public – que l’auteur de la reconnaissance n’était pas le père, qu’en d’autres termes, la reconnaissance dont le ministère public demandait ici l’annulation n’était pas mensongère, qu’une reconnaissance qui n’est pas mensongère ne saurait, dès lors, être annulée sous prétexte d’un contournement – qualifié de « fraude à la loi » - des dispositions régissant l’adoption ; qu’en statuant comme elle l’a fait sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions des demandeurs, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que là où l’existence d’un lien familial avec un enfant se trouve établie, l’Etat doit agir de manière à permettre à ce lien de se développer et accorder une protection juridique rendant possible l’intégration de l’enfant dans sa famille ; qu’en l’espèce, l’annulation de la reconnaissance de paternité souscrite le 29 juillet 2009 par M. X..., qui prive l’enfant de sa filiation paternelle, porte atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant et au droit au respect de la vie privée et familiale de celui ci et de M. X... ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
4°/ que le principe de primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant impose
au juge de rechercher concrètement si l’intérêt de l’enfant guide la mesure
qu’il ordonne ; qu’en l’espèce, en refusant de tenir compte de l’intérêt de
l’enfant et de rechercher, comme elle le devait, si l’annulation de la
reconnaissance de paternité souscrite le 29 juillet 2009 par M. X...
qu’elle ordonnait, qui prive l’enfant de sa filiation paternelle, ne conduisait
pas à une méconnaissance de l’intérêt supérieur de ce dernier, la cour d’appel a
violé, par refus d’application, l’article 3-1 de la de la Convention
internationale des droits de l’enfant, ensemble l’article 8 de la Convention de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales ;
Mais attendu que l’action en contestation de paternité exercée par le ministère public pour fraude à la loi, fondée sur l’article 336 du code civil, n’est pas soumise à la preuve que l’auteur de la reconnaissance n’est pas le père au sens de l’article 332 du même code ; qu’ayant caractérisé la fraude à la loi commise par M. X..., la cour d’appel en a exactement déduit que la reconnaissance paternelle devait être annulée ;
Qu’en présence de cette fraude, ni l’intérêt supérieur de l’enfant que garantit l’article 3, § 1, de la Convention internationale des droits
de l’enfant, ni le respect de la vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne sauraient être utilement invoqués ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu que le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et cinquième branches, n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... et Mme Y... aux dépens ;
Président : M. Charruault
Rapporteurs :
Mme Dreifuss Netter, conseiller, et Mme Le Cotty, conseiller
référendaire
Avocat général : Mme Petit,
premier avocat général
Avocat(s) : SCP Thouin
Palat et Boucard, SCP Meier Bourdeau et Lécuyer