Demandeur(s) : les époux X...
Défendeur(s) : la caisse d’allocations familiales (CAF)
d’Ille-et-Vilaine, et autre
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 28 janvier 2009), que M. et
Mme X..., de nationalité congolaise, qui résident en France de façon
régulière depuis octobre 2000, ont sollicité de la caisse d’allocations
familiales d’Ille-et-Vilaine (la caisse) le bénéfice des prestations familiales
au titre de leurs deux enfants, C... et J..., nés à ... respectivement
en 1994 et en 1997, entrés en France en mai 2002, en dehors de la procédure
de regroupement familial ; que la caisse ayant rejeté leur demande au motif
qu’ils ne produisaient pas le certificat médical de l’Office des migrations
internationales devenu l’Office français de l’immigration et de l’intégration
(OFII), ils ont saisi une juridiction de sécurité sociale d’un
recours ;
Sur le pourvoi principal des époux X... :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l’arrêt de les
débouter de leurs demandes en versement des prestations familiales en faveur de
J... et C... pour la période postérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 19
décembre 2005, alors, selon le moyen :
1°/ que la circonstance que la législation française n’a pas été
censurée par la Cour européenne des droits de l’homme ne retire pas au juge son
pouvoir d’examen de la conventionnalité de la loi française ; qu’en s’y
refusant, la cour d’appel a violé les articles 12 du code de procédure civile et
55 de la Constitution ;
2°/ qu’en donnant effet à la loi nouvelle en estimant que le
législateur avait restreint les conditions d’attribution des prestations
familiales pour les enfants étrangers résidant en France et juger que les époux
... n’avaient droit aux prestations familiales que jusqu’à la date du 19
décembre 2005 pour leurs enfants entrés sur le territoire national français
illégalement, la cour d’appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme, ensemble les articles 3, 24-1 et
26 de la Convention internationale des droits de l’enfant ;
Mais attendu que les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue respectivement de la loi n̊ 2005-1579 du 19 décembre 2005 et du décret n̊ 2006-234 du 27 février 2006, subordonnent le versement des prestations familiales à la production d’un document attestant d’une entrée régulière des enfants étrangers en France et, en particulier pour les enfants entrés au titre du regroupement familial, du certificat médical délivré par l’OFII ; que ces dispositions qui revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un état démocratique d’exercer un contrôle des conditions d’accueil des enfants, ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ni ne méconnaissent les dispositions de l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et sur le pourvoi incident de la caisse :
Attendu que la caisse fait grief à l’arrêt de la condamner à verser aux époux X... les prestations dues au titre des enfants C... et J... du mois de juin 2002 au 19 décembre 2005 avec intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2006, alors, selon le moyen :
1°/ que la CAF d’Ille-et-Vilaine soutenait que pour la période
antérieure au 19 décembre 2005, le code de la sécurité sociale imposait déjà la
production du certificat de contrôle médical délivré par l’Office national de
l’immigration, attestant de l’entrée régulière sur le territoire des mineurs
pour lesquels les allocations familiales étaient sollicitées
rétroactivement ; qu’en effet l’article D. 511-2 du code de la sécurité
sociale dans sa rédaction antérieure disposait que “la régularité de l’entrée et
du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre
desquels il demande des prestations familiales est justifiée par la production
d’un des titres de séjour ou documents prévus à l’article D. 511-1, à défaut par
la production d’un des documents suivants : - extrait d’acte de naissance
en France ; - certificat de contrôle médical, délivré par l’Office national
d’immigration à l’issue de la procédure de regroupement familial et comportant
le nom de l’enfant” ; qu’en affirmant néanmoins que pour la période
antérieure à la loi de finances du 19 décembre 2005, les allocations familiales
étaient dues de plein droit à raison de la seule régularité du séjour des
parents, sans rechercher – ainsi qu’elle y était pourtant invitée - si l’article
D. 511-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable,
n’imposait pas la preuve de l’entrée régulière des enfants sur le territoire, la
cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 512-1,
L. 512-2 et D. 511-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction alors
applicable ;
2°/ qu’est conforme aux exigences posées par la convention
européenne, le fait d’imposer aux étrangers résidant régulièrement en France et
souhaitant y faire venir leurs enfants mineurs de respecter la procédure de
regroupement familial pour pouvoir bénéficier des prestations familiales, et de
les refuser à ceux qui ont contourné le dispositif légal lorsque ce dernier
trouvait à s’appliquer ; qu’en l’espèce, il est constant que
M. X... entré sur le territoire en 1999 a fait irrégulièrement entrer
sur le territoire français ses deux enfants mineurs en 2002 en méconnaissance de
la procédure de regroupement familial ; qu’ainsi en soumettant le bénéfice
des prestations familiales à la production par les époux X... des certificats de
contrôle médical, délivrés par l’Office national d’immigration à l’issue de la
procédure de regroupement familial et comportant le nom des enfants imposés par
l’article D. 512-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors
applicable, la CAF d’Ille-et-Vilaine n’a commis aucune discrimination ni
violation de l’article 8 de la convention européenne des droits de
l’homme ; qu’en affirmant le contraire, la cour d’appel a violé ensemble
les articles D. 512-1 du code de la sécurité sociale et les articles 8 et 14 de
la convention européenne des droits de l’homme ;
Mais attendu que l’arrêt constate que les époux X... justifient qu’ils résident légalement sur le territoire national français depuis le mois d’octobre 2000 ; que la cour d’appel en a exactement déduit que jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005 qui a modifié les conditions d’attribution des prestations familiales, le bénéfice de celles-ci ne pouvait être subordonné à la production d’un certificat de l’OFII ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Président : M. Lamanda, premier président
Rapporteur : Mme Monéger, conseiller, assistée de
Mme Bernard, greffier en chef au service de documentation, des études et du
rapport
Avocat général : M. Azibert, premier avocat
général
Avocat(s) : SCP Defrenois et Levis ; SCP Gatineau et
Fattaccini ; SCP Masse-Dessen et Thouvenin