Arrêt n° 986 du 18 juin 2015 (14-18.049) - Cour de cassation - Deuxième chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2015:C200986

Union européenne ; Sécurité sociale

Rejet


Demandeur(s) : M. X... ; et autres
Défendeur(s) : caisse de mutualité sociale agricole (CMSA)


 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Poitiers, 25 mars 2014), que la caisse de mutualité sociale agricole de Sèvres-Vienne (la CMSA), ayant, pour obtenir le paiement des cotisations sociales afférentes aux années 2004 à 2007, pratiqué des oppositions à tiers détenteur sur leurs comptes bancaires, M. et Mme X..., exploitants agricoles, ont saisi un juge de l’exécution aux fins d’annulation ;

Sur la demande de saisine préjudicielle de la Cour de justice de l’Union européenne, qui est préalable :

Attendu que M. et Mme X... demandent que soit posée à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante : Les dispositions L. 723-1, L. 723-2, L. 725-3 et L. 725-12 du code rural et de la pêche maritime en tant qu’elles confèrent aux organismes de mutualité sociale agricole des attributions exorbitantes du droit commun pour le recouvrement des créances de cotisations et de majorations et pénalités de retard se rapportant à une adhésion obligatoire au régime de sécurité sociale agricole sont-elles compatibles avec le principe de la liberté de prestations de service active résultant des directives 92/49/CEE du 18 juin 1992, 92/96/CEE du 10 novembre 1992 et 2005/29/CE du 11 mai 2005, ensemble les articles 56 et 57 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ainsi qu’avec le principe de liberté d’association et le droit d’accéder à un régime de sécurité sociale garantis par l’article 12 et 34 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ? ;

Mais attendu que si l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne rend obligatoire le renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l’Union européenne lorsque la question est soulevée devant une juridiction dont la décision n’est pas susceptible d’un recours juridictionnel en droit interne, cette obligation disparaît quand la question soulevée est matériellement identique à une question ayant déjà fait l’objet d’une décision à titre préjudiciel dans une espèce analogue ;

Et attendu que la Cour de justice des communautés européennes saisie d’une question identique l’a tranchée par arrêt du 26 mars 1996 (affaire C.238/94) ;

D’où il suit qu’il n’y a pas lieu à saisine préjudicielle ;

Sur le premier moyen pris en ses quatrième et cinquième branches :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes, alors, selon le moyen :

1°/ qu’il résulte de l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 3 octobre 2013 (C-59/12) que les organismes en charge de la gestion d’un régime de sécurité sociale sont des entreprises entrant dans le champ d’application de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur ; qu’il en résulte corrélativement que les affiliés à un régime de sécurité sociale sont des consommateurs, au sens de cette directive, qui, en tant que tels, bénéficient d’une liberté de prestation services active et ne peuvent être contraints de s’affilier à un régime de sécurité sociale déterminé ; qu’en jugeant le contraire, pour débouter les époux X... de leur demande de mainlevée des oppositions à tiers détenteur, la cour d’appel a violé les articles 56 et 57 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ensemble les directives 92/49/CEE du 18 juin 1992, 92/96/CEE du 10 novembre 1992 et 2005/29/CE du 11 mai 2005 ;

2°/ que la soumission des prestations délivrées par les organismes en charge de la gestion d’un régime de sécurité sociale aux dispositions de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 emporte mise en oeuvre des dispositions du droit de l’Union, et application corrélative des articles 12 et 34 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne garantissant la liberté d’association et le droit d’accéder à un régime de sécurité sociale, lorsqu’un organisme de mutualité sociale agricole procède à une affiliation et recouvre les créances qui s’y rapportent ; qu’en se limitant à se référer à une décision de la Cour de justice excluant les régimes de sécurité sociale du champ d’application des directives 92/49/CEE du 18 juin 1992 et 92/96/CEE du 10 novembre 1992 quand les dispositions des articles L. 722-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime imposant une affiliation au régime de sécurité sociale agricole et conférant aux organismes de mutualité sociale agricole des attributions exorbitantes du droit commun en matière de recouvrement des cotisations et contributions concourant au financement de ce régime donnent lieu à la mise en oeuvre du droit de l’Union et sont contraires, en tant qu’elles rendent cette affiliation obligatoire et confèrent ces attributions, à la liberté d’association et au droit d’accéder à un régime de sécurité sociale garantis par les textes précités, la cour d’appel a violé les articles 12, 34 et 51 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

Mais attendu, selon l’article 2, d) de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil, qu’on entend, aux fins de la directive, par « pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs » toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs » ; que le recouvrement selon les règles fixées par les règles d’ordre public du code rural et de la pêche maritime des cotisations et contributions dues par une personne assujettie à titre obligatoire au régime de protection sociale des travailleurs non salariés agricoles ne revêt pas le caractère d’une pratique commerciale au sens des dispositions sus-rappelées et n’entre pas, dès lors, dans le champ d’application de la directive ;

Et attendu que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne reconnaît, respecte, en son article 34, § 1, le droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux selon les règles établies par le droit de l’Union et les législations et pratiques nationales et énonce en son article 51, § 2, repris dans l’article 6 du Protocole n° 30 sur l’application de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne annexé au Traité sur l’Union européenne, que la Charte n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union européenne au-delà des compétences de l’Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelle pour l’Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les traités ;

D’où il suit qu’inopérant en sa première branche, le moyen n’est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres griefs du pourvoi annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

Dit n’y avoir lieu à saisine à titre préjudiciel de la Cour de justice de l’Union européenne ;

REJETTE le pourvoi ;

 


Président : Mme Flise
Rapporteur : Mme Depommier, conseiller
Avocat général : Mme Lapasset, avocat général référendaire
Avocat(s) : SCP Roger, Sevaux et Mathonnet ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix